RANXEROX, de Liberatore, Tamburini et Chabat

Quelqu’un a dit : « voilà la bête ! » et l’instant d’après, deux pauvres cloches à bedaine étaient rectifiées. L’une la nuque dévissée, l’autre la gueule en compote. C’est comme ça à toutes les pages, Ranxerox. Question haine, coups, sang, plaie, meurtres, horreur, violences en tous genres, pardon, c’est fadé.

Znort !

Cet extrait de la 4ème de couverture du 1er tome, est un assez bon résumé même s’il met de côté un certain humour qui rend « Ranxerox » si spécial. Car l’humour et l’amour sont les seuls réactions primaires « positives » qu’il possède. Tout le reste, ce n’est que de la violence à l’état brut.

Construit à partir de pièces détachées d’une vieille photocopieuse (d’où son nom initial « Rank Xerox »), Ranx devient totalement kamikaze et sans limites lorsque Lubna, une gamine pourtant immorale, capricieuse, toxico et complètement paumée, est en danger. Programmé pour l’aimer et la protéger, Ranx est un cyborg au cœur d’artichaut capable de réduire en purée qui se mettrait sur son passage. Et quand je dis « purée », je pèse mes mots : face écrasée dans un ventilateur, boite crânienne enfoncée et cervelle défoncée, nuque brisée et j’en passe… Et pourtant, alors que tous les autres sont des « êtres humains », c’est Ranx qui est le seul à éprouver des sentiments dans cet environnement ultra-violent.

Ranxerox c’est la chapelle Sixtine punk

Avec « Ranxerox », Tanino Liberatore et Stefano Tamburini ont inventé un monde à mi-chemin entre une Italie post-apocalyptique et un New York aux bas-fonds crasseux et malfamés. Cet environnement cyberpunk où règne la loi du plus fort a été directement inspiré par l’environnement des auteurs :

« Au début des années 80, la décomposition de la société italienne était très grande, l’époque violente avec le terrorisme, les Brigades Rouges, la police, le mouvement punk… A la moindre manifestation, il y avait des coups de feu, les places étaient couvertes de lacrimogènes et on entendait carrément des mitraillages, des bruits de guerre. En fait, on n’a rien inventé. »[1]

Leur imaginaire, extrapolé depuis le contexte politique et social de l’époque, a rencontré un vif succès et Ranxerox s’est imposé très rapidement un peu partout en Europe. Et des années après, on peut dire sans prendre trop de risque que l’univers visuel de Tamburini et Liberatore a inspiré de nombreux cinéastes. Ainsi, on retrouve un peu de Ranxerox dans des films comme Terminator, Total recall, Blade Runner…

Et que dire du dessin ! La force surhumaine de Ranx se ressent dans ses mouvements : tout est sculpté, chaque muscle est apparent et les volumes sont profonds. Liberatore dessine le corps humain avec une majesté rare. Certaines postures allient délicatesse et force pure, ce qui rend le dessin de Liberatore si exceptionnel.

Ranxerox, de Liberatore et Tamburini

A la fois violent, sexuel et amoral, Ranxerox est aussi drôle, beau et fascinant. Une beauté effrayante tant elle est hyperréaliste et gore à la fois. Et si le personnage de Ranx est né grâce à Stefano Tamburini[2], c’est Tanino Liberatore, surnommé le « Michelangelo post-moderne », qui a marqué l’univers graphique de la bande dessinée avec son style hors du commun.

Cet univers, qui a inspiré toute une génération d’auteurs et de lecteurs, est à découvrir même 35 ans après sa première publication. Mais n’oubliez pas que la cervelle, ça gicle partout quand ça explose ! Donc cachez ça à vos enfants et profitez-en égoïstement jusqu’à leur majorité.


Notes et références

  • [1] Source : Technikart
  • [2] « C’est Tamburini, le père de Ranx. J’ai fait la mise en scène, le casting, le stylisme. » (source : Technikart)

Informations pratiques

Composé de 3 tomes dont les histoires ne se suivent pas, le dernier tome a été écrit par Alain Chabat suite au décès de Stefano Tamburini en 1986.

  • « Ranxerox à New York », de Tanino Liberatore (dessin) et Stefano Tamburini (scénario). Editions Albin Michel (1981)
  • « Bon Anniversaire Lubna », de Tanino Liberatore (dessin) et Stefano Tamburini (scénario). Editions Albin Michel (1983)
  • « Amen ! », de Tanino Liberatore (dessin) Stefano Tamburini et Alain Chabat (scénario). Editions Albin Michel (1996)

Ranxerox (les 3 tomes) de Liberatore, Tamburini et Chabat

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