Publiées entre 1985 et 1990 dans la revue espagnole « El Vibora », les 3 histoires de « Peter Pank » ont été rééditées sous la forme d’une intégrale par Rackham. L’occasion de passer à la moulinette trash et acide les Peter Pan de James Matthew Barrie et de Walt Disney.
Le pitch est simple : s’appuyer sur l’histoire de Peter Pan (« celui qui ne voulait pas grandir ») pour en faire une version « no future ». Dans ce contexte, oubliez la naïveté et l’innocence du Peter Pan de Walt Disney. Celui de Max est à l’opposé : prêt à tout pour arriver à ses fins, transgressif, complètement accro au sexe, ultra-violent et kon (avec un « K », comme punk). Et les autres personnages sont dans la même veine : la fée Klochette, sein à l’air et bas résilles déchirés, met de la poudre blanche dans le nez d’Ana et des morveux (Wendy et ses frères) pour les faire s’envoler. Les enfants perdus, devenus des Rakailles, se bastonnent et sniffent de la colle néoprène. Le Capitaine Toupet (Crochet) et son équipage sont transformés en rockers à papa des années 50 qui portent la banane et le bon vieux perfecto noir en cuir, les Indiens deviennent des hippies fumeurs de joints, les sirènes des nymphomanes… Et au fil de l’histoire découpée en 3 épisodes, Peter Pank rencontrera des skinhead, le komte Drakula, un loup-garou, des zombies, des trafiquants d’armes et Hip-Hop Freddy, un skater fou avec son ghetto-blaster tout droit sorti des années 80.
Libération des mœurs et contre-culture
« Peter Pank » nait et s’inscrit dans un contexte politique, social et artistique sans précédent en Espagne : celui de la Movida, un mouvement culturel et créatif qui a touché l’ensemble de l’Espagne au début des années 1980 après la mort du Général Franco (source). C’est le début d’une ère nouvelle, une sorte de renouveau artistique qui prend naissance dans le milieu underground madrilène principalement, et qui va s’exprimer dans la peinture, la photographie, au cinéma, dans la musique, et dans la bande dessinée évidemment.
Et on retrouve un peu de cette effervescence dans « Peter Pank » qui bouillonne de clins d’œil. A la BD franco-belge avec notamment Tintin et le Capitaine Haddock et son penchant pour l’alcool bien évidemment. Avec Astérix lorsqu’une loupe posée sur une carte de l’Ecosse montre le château de « l’irréductible » Comte Drakula. Egalement, beaucoup de mythes et légendes sont utilisés et cuisinés à la sauce punk : vampires, zombies, fées, loup-garou (la 2nde histoire s’intitule « El Licantropunk » – le lycanthrope – qui signifie « loup-garou ») On retrouve des séquences du film « Apocalypse Now », des références au Symbolisme avec le rocher des morts (en référence à » L’île des morts » d’Arnold Bocklin) et les références à la musique sont omniprésentes avec les différents personnages (des punks, des hippies, des rockeurs, des rappeurs…) et la 2nde histoire intitulée « Pankdinista ! » qui est une référence à « Sandinista ! », le 4ème album de The Clash. Bref, ça bouillonne de références et de clins d’œil dont on ne se lasse pas.
Une ligne claire pour une histoire crade
Vue l’histoire déjantée et les personnages excessifs, on s’attendrait à un style graphique brut et très trash. C’est tout le contraire : le dessin de Max est très inspiré de la ligne claire dans son côté « propre sur elle ». Il puise son inspiration dans le style d’Yves Chaland notamment, et c’est cela qui rend « Peter Pank » intéressant : une rencontre atypique et un contraste violent entre un dessin assez classique et une histoire faite de transgression, de débauche et de violence. En imaginant cette « grosse râclure », Max a crée un personnage à la fois repoussant et attachant. Il réalise ainsi un pastiche drôle, acide et plein de mauvais goût et malgré les 30 ans qui nous séparent des premières publications, cette histoire a gardé un punch qui rend sa lecture jouissive. C’est trash, violent et sans tabous.
Tintin chez les punks.
Informations pratiques
- Peter Pank
- Francesc Capdevila (dit Max ou Alphamax)
- réédition intégrale des 3 histoires originales (Peter Pank, El Licantropunk, et Pankdinista !)
- Rackham
- 2014
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