Après le succès de « Cinq mille kilomètres par seconde » primé à Angoulême [1] , Manuele Fior continue sur sa lancée avec « L’entrevue », une histoire sentimentale du 3ème type dans un noir et blanc très photographique.
« L’entrevue » relate la rencontre entre Raniero, un psychologue de la cinquantaine qui est dans une mauvaise passe avec sa femme, et Dora, une jeune étudiante qui est membre de la Nouvelle Convention, un mouvement qui prône une certaine liberté sexuelle. Une histoire sentimentale va naître entre-eux dans un contexte futuriste qui prend forme dès les premières pages avec l’apparition dans le ciel d’étranges formes venues d’ailleurs.
Une rencontre singulière
Bien que ces formes géométriques dans le ciel étoilé soient le point de départ de l’histoire, la science-fiction est surtout un prétexte qui permet à Manuele Fior de tisser son récit tout autour. Car « L’entrevue » est beaucoup plus qu’une histoire de science-fiction, c’est une histoire entre 2 êtres que tout oppose : situation personnelle et sociale, âge, style et philosophie de vie… Et pourtant au fil des rencontres, une relation intime, à la fois délicate et complexe, va se nouer entre le docteur et sa patiente. Et c’est la télépathie et les visions qu’ils ont tous deux des étranges formes lumineuses dans le ciel qui vont les faire se rapprocher. Car le sujet de « L’entrevue » est bien celui-là : la rencontre et l’observation de l’autre, le fait d’apprendre à le connaître et à l’apprécier…
Un dessin photosensible
Manuele Fior mélange avec beaucoup de réussite un dessin au trait avec des modelés tantôt très doux et veloutés, et tantôt très contrastés. Les dessins de nuit sont à ce titre, magnifiques, et l’utilisation du fusain y est certainement pour quelque chose. A la fois très léger et très sensible quand il concerne des personnages, son dessin devient plus rigide et plus « solide » quand il quand il s’agit de constructions et de paysages urbains. On sent d’ailleurs l’influence de l’architecture non seulement dans les formes qui apparaissent dans le ciel mais aussi dans les jeux de lumières et de contrastes qui viennent modeler la géométrie des bâtiments.
A la manière d’un photographe, Manuele Fior capte avec une très grande justesse les postures, la gestuelle et le ressenti des personnages. La gêne, la peur, la timidité, le désir… Tout est là, et il y a dans son regard une grande sensibilité qui lui permet de capter l’essence de l’instant. Certaines cases, baignées de lumière ressemblent à des photographies argentiques en noir et blanc prises sur l’instant.
Une esthétique très personnelle
Bien que très inspiré par le cinéma de Michelangelo Antonioni [2], « L’entrevue » conserve une identité forte et singulière. Avec ce récit intime qui oscille entre ombre et lumière, Manuele Fior a réussi son pari.
Qui a dit que la science-fiction ne pouvait pas être sentimentale ?
Notes et références
[1]Il a reçu le Fauve d’Or (Prix du meilleur album) en 2011
[2]Manuele Fior s’est inspiré notamment de « L’avventura » (1960) et « La nuit » (1961). Source : interview sur BDGest
Informations pratiques
- L’entrevue
- Manuele Fior
- one shot
- Futuropolis
- 2013
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