D’abord dessiné pour le public japonais et édité chez Kodansha, « Le voyage » a été ensuite traduit, relettré et inversé pour être présenté dans son pays d’origine. Edité chez l’Association en 1996, il a obtenu l’Alph’Art du meilleur scénario au festival de BD d’Angoulême en 1997.
Eloge de la fuite
A Paris, Simon vit en couple, travaille, et a un petit garçon de 5 ans. Mais il sent que quelque chose a changé dans sa vie : Simon n’est plus heureux, il se sent prisonnier d’une vie qui l’étouffe. Alors un matin, il craque. Il saute dans le premier train et s’enfuit. Il ne sait pas où aller mais il a besoin de partir et de tout lâcher. C’est la seule chose dont il soit sûr.
Près de Montélimar, le hasard lui fait croiser la route d’Olivier qui a pas mal bourlingué. Olivier a vécu plusieurs vies avant de se stabiliser ici en créant un spectacle de marionnettes qu’il joue aux enfants des villages aux alentours. Les deux hommes vont se lier d’amitié et grâce à Olivier, Simon va rencontrer Marc et sa sœur Léa. Ces deux là se ressemblent : ils sont fragiles, un peu paumés et attirés l’un par l’autre. Avec Marc et Léa, Simon manquera de mourir par deux fois mais il échappera à la mort comme par miracle. Ou plutôt, par envie de vivre. De revivre.
Tout comme Olivier, Simon s’est « fait des cicatrices et a reçu des coups » mais ces rencontres et ces épreuves de la vie ne sont pas le fruit du hasard. Elles lui permettront de se retrouver face à lui-même et de se reconstruire petit à petit.
En paix avec lui-même et libéré de ce mal qui le rongeait, une étape de son « voyage » s’achève et il tourne un chapitre de sa vie.
« – Qu’as-tu appris dans ton voyage ?
– Que d’aller de l’autre côté de la terre ou faire le tour de son village, c’est le même voyage. Que c’est juste une question de regard. »
Des étoiles plein les yeux
Première lecture de Baudoin et première claque.
L’histoire d’abord. Celle d’un jeune père qui se sent contraint de fuir pour mieux revenir. Malgré la situation, il ne fait qu’’écouter son instinct et quitte tout sans réfléchir. Cette hyper sensibilité, Baudoin la symbolise avec la tête de Simon qui est véritablement « ouverte sur le monde » et qui absorbe tout ce qui l’entoure. Elle capte ainsi tous les sentiments et toutes les énergies, positives comme négatives, ce qui donne lieu à des cases allégoriques et extrêmement poétiques.
Le dessin ensuite. Le trait de Baudoin contient la sensibilité que Simon ressent vis-à-vis du monde extérieur. Le fait de dessiner au pinceau apporte une liberté et une sensibilité à l’ensemble que Baudoin arrive à faire passer dans le récit. A la fois léger et libre, son dessin sublime par sa poésie la dépression et la renaissance de Simon. Et quand on sait que Baudoin a laissé tomber sa 1ère vie de comptable pour faire du dessin et vivre de sa passion jusqu’alors refoulée, on se demande où est la frontière entre l’histoire de Simon et celle de son auteur.
« Le voyage », qui fait référence à la fuite mais aussi au cheminement intérieur de Simon, est autant celui du personnage que celui de son auteur. C’est un voyage dont on revient différent. Poétique, sensible, parfois à la limite du mystique, « Le Voyage » est un poème visuel autant qu’une réflexion sur notre rapport à la vie.
J’ai découvert un grand dessinateur et une histoire qui m’a touché en plein cœur.
Informations pratiques
- Le voyage
- Edmond Baudoin
- one shot
- L’Association
- 1996
En savoir plus sur Edmond Baudoin :
- son site internet
- un dossier sur le site Neuvième Art de la Cité de la BD