Au large des côtes anglaises, un navire français fait naufrage lors d‘une tempête. Seule la mascotte de l’équipage, un chimpanzé portant l’uniforme napoléonien, survit à ce naufrage. Mais pour les habitants de Hartlepool, qui d’autre qu’un français pourrait porter cet accoutrement ?
La connaissance et l’ignorance sont sur un bateau. La connaissance tombe à l’eau. Qui reste-t-il ? L’ignorance… Et comme elle n’a pas de frontières, elle va contaminer tout un village Anglais prêt à croire que ce singe déguisé en soldat de Napoléon, est un français. Car personne à Hartlepool, n’a jamais vu de Français. Personne, sauf le vieux Patterson qui n’a plus toute sa tête (ni ses jambes d’ailleurs), mais qu’à cela ne tienne. Le pauvre singe va en faire les frais.
Un quiproquo grotesque et hilarant
Les auteurs se sont fait plaisir en reprenant des clichés sur les frenchies. Ce sont des animaux sauvages. Ils sentent mauvais, mangent des grenouilles et des escargots, et ils sont petits (« Napoléon lui-même est un nain, tout le monde le dit »)
A partir de là, c’est la montée en puissance de la bêtise. On passe à la théorie du complot (les envahisseurs ont envoyé ce français en éclairage, mais ils vont bientôt débarquer et conquérir l’Angleterre), ce qui fait naître un fantasme collectif nationaliste (déjouer les plans des envahisseurs… pour sauver l’Angleterre !)
Une galerie de portraits avec des vraies trognes !
Dans un sens, on pourrait dire que « Le singe de Hartlepool » est inspiré du théâtre de boulevard, car on y trouve :
- un quiproquo (avec Nelson, que les habitants prennent pour un français)
- des personnages stéréotypés (les garnements du village, sales, bêtes et méchants, Patterson, le vieux hooligan à moitié fou qui a perdu ses guiboles pendant le siège de Québec en 1759, le Pasteur totalement illuminé, l’aubergiste, qui est aussi Maire, et qui rêve de déjouer les plans de Napoléon…)
- et des rebondissements (notamment à la fin mais je vous laisse la surprise)
Et s’il fallait encore démontrer l’analogie avec le théâtre, il y a un passage au cours duquel les habitants jouent un rôle. Pendant le jugement de Nelson, le Maire joue le personnage du Juge et un des habitants devient l’avocat de notre pauvre chimpanzé. Une parodie de justice à la sauce à la menthe.
Une première œuvre réussie
Avec « Le singe de Hartlepool », tous les ingrédients sont réunis pour le plus grand bonheur du lecteur. Un scénariste qui a sû s’inspirer d’une histoire vraie pour proposer un récit tragi-comique très bien ficelé et des dialogues parfaitement adaptés à la situation. Un dessinateur qui, pour une première BD, a très bien maîtrisé la couleur et les cadrages et surtout, qui a admirablement mis en scène des personnages grotesques et dégénérés avec un style graphique frais, expressif et nerveux. Au bout du compte, une histoire réussie, un clin d’œil final très bien amené, et une morale.
Quand la peur de l’étranger domine et que la bêtise n’a pas de frontière, l’animal sauvage n’est pas forcément celui que l’on croit.
Informations pratiques
- : Le singe de Hartlepool
- wilfrid Lupano, Jérémie Moreau
- one shot
- : Delcourt
- 2012
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By Le singe de Hartepool deWilfrid Lupano et Jérémie Moreau | Lectures familiales 27 déc ’16 at 11 h 00 min