« Bien plus tard elle sera belle, farouche, et redoutable. Pour l’heure ce n’est qu’une enfant abîmée par la mort précoce d’un père adoré et le chagrin d’une mère. Bien plus tard elle sera terrible. Mais pour l’heure, laissons-la où tout commence, dans la vallée de Chambara. »
Le Japon médiéval au temps des shinobi et des samouraï
Quelque part dans la vallée de Chambara, Maraki Zatu est témoin d’un meurtre commis par les vassaux de son père, un homme richissime. Voulant s’enfuir, elle tombe dans un lac gelé et est laissée pour morte par les 3 hommes. A la fois coupables d’un meurtre et témoin de l’agonie de l’enfant, le destin des 3 hommes est scellé par cet horrible secret qu’ils n’avoueront jamais. L’un des vassaux trouvera le moyen de se marier avec la mère de Maraki Zatu et les deux autres partageront l’héritage du clan. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que Maraki Zatu a été sauvée et recueillie par un vieillard un peu mystique qui la remettra d’aplomb et lui apprendra à se battre si elle s’occupe de lui. Elle accepte, et va grandir et s’entrainer à ses côtés, jusqu’au jour où elle se sent prête pour se rendre en ville et se venger.
Que l’âme de mon père soit damnée si je manque à ma parole
De vengeance il sera question, avec notamment des scènes de combat qui sont admirablement dessinées. Hugues Micol profite de l’espace de toute la page pour faire s’exprimer les corps qui débordent littéralement des cases. Les positions des corps sont accentuées, à la limite du naïf, et transcrivent parfaitement l’esprit des combats de samouraïs. Hugues Micol crée du dynamisme dans la mise en page et arrive à faire cohabiter plusieurs temporalités dans un même espace, tout en conservant une parfaite lisibilité à l’ensemble.
Mais Hugues Micol ne dessine pas, il peint. Ses planches débordent de couleurs et abritent mille détails dans les motifs, les drapés des kimonos… Certaines cases me font penser à des tableaux de Paul Gauguin tant les associations de couleurs sont proches. Mais Hugues Micol évite l’aspect « figé » d’une peinture faite case après case. Il peint avec son pinceau et son dessin est vivant, nerveux. Sans doute grâce à la technique de la couleur directe qu’il emploie.
« Quand tu procèdes comme je le fais, tu dois rester très concentré, le premier dessin doit être le bon, tu n’as pas le droit de te tromper. La pratique du dessin pour moi, c’est vraiment l’expérience d’une concentration à l’état pur. Je suis très nerveux quand je travaille, car j’ai envie de réussir mon dessin du premier coup. En plus, je suis obligé de me creuser la tête pour corriger les petites erreurs, créant ainsi sans cesse de nouvelles formes, qui peuvent m’amener encore plus loin…[1]«
Le cinéma et la peinture comme inspiration
« Le Chien de Sambara » n’est pas la 1ère histoire d’Hugues Micol qui se situe au Japon [2]. Bien documenté, il n’en fait pas une retranscription historique ou exacte, il garde une trame classique mais rajoute sa propre vision du Japon qu’il va adapter à son récit. Il puise son inspiration dans le cinéma japonais et les films traditionnels de samouraïs évidemment (le chanbara est un genre cinématographique et théâtral japonais de bataille de sabre [3]), mais aussi dans les estampes Japonaises.
« J’ai essayé de m’en inspirer, pour les scènes de la vie quotidienne notamment. Je crois que j’aime beaucoup les estampes parce que, graphiquement, ça ne me ressemble pas du tout. J’ai un côté un peu brut, expressionniste, tout le contraire de ce raffinement japonais, que j’admire énormément. [4]«
Des films plus récents comme « Kill Bill » de Quentin Tarantino ont certainement aussi influencé Hugues Micol. Dans « Kill Bill », une histoire qui rend hommage entre autres au chanbara japonais, le héros est aussi une femme assoiffée de vengeance et qui manie très bien le sabre… Le vocabulaire que l’on retrouve dans certaines cases (« cause toujours », « ça me tue les pieds », ou encore « tu te fous de moi ») et donne lui aussi un côté plus contemporain au récit.
Un conte épique et un auteur à suivre
Je lis partout qu’Hugues Micol est un des meilleurs dessinateurs de sa génération. J’ai acheté « Le chien de Chambara » sans réfléchir, simplement en le feuilletant un peu. Les couleurs m’ont captivé et l’histoire m’a achevé. C’est la 1ère histoire que j’ai lue d’Hugues Micol et ce qui est sûr, c’est que ce ne sera pas la dernière.
Notes et références
[1] Source : Entretien avec Hugues MICOL sur Animeland.com
[2] Voir aussi « Les contes du 7ème souffle » chez Vents d’Ouest
[3] Source : Wikipedia
[4] Source : Entretien avec Hugues MICOL sur Animeland.com
Informations pratiques
- Le chien de la vallée de Chambara (réédité en 2013 sous le titre « Le chien de Chambara »)
- Hugues Micol
- one shot
- Futuropolis
- 2011