Un père et ses enfants tentent de survivre dans un coin du lac, entre la désolation, les morts et une nature empoisonnée. La violence est la seule règle pour survivre dans ce coin du monde où l’amour est un sentiment interdit.
Respecter les règles pour éviter la mort
Un père et de ses deux fils, deux adolescents mi-sauvages mi-civilisés, survivent tels des rescapés dans une sorte de no man’s land post apocalyptique. Le père les a conditionné à vivre dans cet environnement hostile : toujours être sur la défensive, ne pas quitter la zone, ne pas aller de l’autre côté du lac, ne pas toucher aux morts, ils contiennent du poison. Le père est grand, bourru. Il troque des bricoles qu’il trouve dans cette zone marécageuse en échange de nourriture, et à la nuit tombée, il sort un vieux carnet et il écrit. Ses enfants le voient bien chaque soir, mais le carnet leur est interdit d’accès. Et de toute façon, il ne leur a pas appris à lire. Ni même à bien parler.
« Pas de gestes tendres. Ils doivent être durs, eux. Plus forts que nous. Invincibles à leur manière. »
Un matin, ils retrouvent leur père inerte à même le sol. Il est mort, et les gamins vont faire ce qu’il leur avait appris avec les morts. Malgré tout, ils veulent savoir qui l’a tué. Même s’il était dur avec eux. Ils rendront visite à Anguillo, le fou. C’était un monstre, et il ne les aide pas à déchiffrer le carnet de leur père. Donc ils n’auront aucune pitié pour lui, et de toute façon il a bien mérité le sort qu’ils lui réservent… Et la sorcière, cette femme aux cheveux longs et bruns comme leur mère jadis ? Cette femme qu’ils allaient voir de temps en temps lorsque leur père les traitait trop mal, peut-être qu’elle sait lire et qu’elle pourrait leur dire ce qu’il y a d’écrit sur le carnet ?
Leur soif de savoir les mènera de l’autre côté du lac, là où les jumeaux grosse-tête échangent des esclaves en échange de leur tranquillité ; puis à l’usine où les fidèles du dieu Trokool torturent et tuent à petit feu les esclaves qu’ils ont capturés. Mais leur bourreau sait lire…
Transgresser la règle pour connaître la vérité
Avec « La terre des fils », Gipi a mis de côté les grandes aquarelles baignées de couleurs pour griffonner le papier avec un dessin incisif en noir et blanc. Chaque trait est comme un petit coup de couteau qu’il remue dans la plaie du papier, jusqu’à le percer. Mais derrière des pages sombres et violentes se cache une histoire pleine de sensibilité et d’espoir dont les deux frères sont l’incarnation. L’un a beaucoup de haine au fond de lui et veut savoir ce que son père pensait de lui. L’autre, plus modéré et plus sensible, est épris de liberté. Bien qu’ils soient tous deux des écorchés vifs, ils ont en eux cette insouciance que les femmes révèleront au gré de leurs rencontres. Ces dernières seront comme des révélateurs pour les jeunes garçons. Elles vont les aider à transgresser les règles et à s’ouvrir au monde.
« Je voulais utiliser une technique presque primitive. Toute l’histoire est primitive et tout est réduit à son strict minimum. » (source)
Dans « La terre des fils », Gipi parle du besoin vital d’expérimenter le monde pour savoir qui l’on est et se forger sa propre vérité. L’amour, ce sentiment jugé dangereux par leur père, va les porter au-delà de ce qui était possible. Et au lieu de les rendre vulnérable, il va les sauver de la sauvagerie et leur offrira une seconde chance.
Informations pratiques
- La terre des fils
- Gipi
- one shot
- Futuropolis
- 2017