J’ai déjà parlé dans une précédente chronique de « L’entrevue » de Manuele Fior qui m’avait laissé une très forte impression. Avec « 5000 kilomètres par seconde », l’histoire et l’ambiance sont radicalement différents mais c’est toujours une histoire d’amour pleine de sensibilité que nous raconte l’auteur italien.
Une histoire toute en retenue, à la fois tendre et triste, d’une nostalgie qui fait du bien comme les rayons du soleil en hiver sur son épaule. Voilà comment on pourrait résumer « 5000 kilomètres par seconde ». Avec beaucoup de délicatesse, Manuele Fior dépeint le destin de Piero, Nicola et Lucia à travers les années. Ils vont apprendre à se connaitre et tandis que la vie les fera se perdre de vue, leurs chemins vont à nouveau de croiser et c’est en fait l’histoire de 3 couples que l’on va découvrir :
- d’abord l’histoire de Piero et Nicola, deux ados, deux amis, qui vont grandir ensemble dans cette petite ville de province en Italie ;
- ensuite l’histoire de Piero et Lucia qui vont s’aimer dès le début. Mais cet amour si passionné deviendra destructeur à tel point que Lucia décidera de rompre et quittera l’Italie ;
- enfin, l’histoire d’amour non avouée et en partie secrète entre Lucia et Nicola. Leurs sentiments ambigus à l’adolescence ont laissé des traces que le retour de Lucia en Italie 20 ans après effacera.
La couleur, ligne de force de l’histoire
Avec cette histoire, Manuele Fior montre le temps qui passe et avec lui, les êtres qui grandissent, mûrissent et changent, alors que les souvenirs et les lieux de l’enfance, eux, restent immuables. Tel un Fauve, Manuele Fior place les couleurs au centre de son histoire, elles sont la colonne vertébrale. Avec elles, il nous transporte dans pays et des temporalités différentes dans lesquels les tonalités chromatiques sont à la fois des tranches de vie et des émotions : le jaune lourd et éclatant des après-midis gorgées de soleil et pleines d’insouciance en Italie, la Norvège et ses fjords dans des bleus froids et apaisants suite à la rupture entre Lucie et Piero, l’ocre et le vert pour les voyages et les délires de Piero en Egypte, le rose cocooning pour la nouvelle idylle de Lucia en Norvège et qui se transforme en verdâtre avec la nostalgie et le désir de revenir en Italie, le violet pour les regrets baignés d’alcool à la fin… Bref, le travail en couleur directe est tout simplement magnifique. Le trait quant à lui arrive dans un 2nd temps et sert à ancrer les personnages dans une posture. Il est juste et n’en rajoute pas, si bien que parfois les cases semblent être à peine esquissées. On sent parfois l’influence de Modigliani dans certains visages : le visage en amande, la tête penchée d’un côté ou de grands yeux qui nous fixent.
Après avoir connu Manuele Fior avec « L’Entrevue » et son sublime dessin en N&B, j’ai ressenti le même plaisir à découvrir les planches baignées de couleurs de « 5000 kilomètres par seconde ». Mis sur le devant de la scène à Angoulême[1] , j’étais passé à côté de cette histoire… C’est maintenant réparé, et c’est tant mieux.
Notes et références
[1]Manuele Fior a reçu le Fauve d’Or au 38ème Festival de BD d’Angoulême en 2011.
Informations pratiques
- 5000 kilomètres par seconde
- Manuele Fior
- one shot
- Atrabile
- 2011
Pour en savoir plus sur Manuele Fior : http://www.manuelefior.com